RUSSIE: Les Témoins de Jéhovah interdits depuis le 20 avril 2017

World Headquarters of Jehovah’s Witnesses (20.04.2024) – Le 20 avril marque le septième anniversaire de l’interdiction des Témoins de Jéhovah en Russie, ce qui a conduit à l’emprisonnement de centaines de leurs membres dont certains ont été victimes de torture.

Les organisations internationales de défense des droits de l’homme dénoncent la persécution des Témoins de Jéhovah par la Russie, qui rappelle étrangement la répression qu’ils ont subie à l’époque soviétique. Des experts affirment que cette persécution est le prélude au retour de l’oppression stalinienne à grande échelle.

Il est difficile de croire que cet assaut national contre les Témoins de Jéhovah se poursuit depuis sept ans. Pour des raisons qui dépassent l’entendement, la Russie utilise d’énormes ressources locales et nationales pour traquer des Témoins inoffensifs, y compris des personnes âgées et handicapées, en déboulant souvent chez eux au petit matin ou au milieu de la nuit“, a déclaré Jarrod Lopes, porte-parole des Témoins de Jéhovah.

Au cours de ces perquisitions ou lors des interrogatoires, des hommes et des femmes innocents sont parfois battus, voire torturés, pour qu’ils livrent les noms de leurs coreligionnaires et indiquent où ils se trouvent. Les Témoins sont poursuivis simplement parce qu’ils lisent leur bible, chantent des hymnes religieux et parlent paisiblement de leurs croyances chrétiennes. Les autorités russes, animées d’une animosité infondée à l’égard des chrétiens non orthodoxes, continuent de bafouer de manière inadmissible les droits de l’homme et la liberté de conscience des Témoins de Jéhovah. Pleinement conscients que leur foi et leur intégrité personnelles sont attaquées, les Témoins sont déterminés à maintenir leurs convictions“.

Les chiffres de la persécution en Russie et en Crimée depuis l’interdiction de 2017

  • Plus de 2 090 domiciles perquisitionnés
  • 802 hommes et femmes ont été inculpés au pénal pour leurs convictions chrétiennes
  • 421 Témoins de Jéhovah ont passé un certain temps derrière les barreaux (dont 131 hommes et femmes actuellement en prison).
  • 8 ans (*) est la peine d’emprisonnement maximale, contre 6 ans auparavant [Dennis Christensen, un citoyen danois vivant en Russie, a été le premier à être reconnu coupable (2019) et condamné à une peine d’emprisonnement].
  • Plus de 500 hommes et femmes ont été ajoutés à la liste fédérale russe des personnes et mouvements extrémistes/terroristes depuis l’interdiction.

* En comparaison :

  • Selon l’article 111, partie 1, du code pénal de la Fédération de Russie, les lésions corporelles graves sont passibles d’une peine maximale de 8 ans.
  • En vertu de l’article 126, partie 1, du code pénal, le kidnapping est passible d’une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement.
  • En vertu de l’Article 131, partie 1, du code pénal, le viol est passible d’une peine de 3 à 6 ans d’emprisonnement.

L’interdiction

Comment tout cela a-t-il commencé ?

La loi fédérale russe “sur la lutte contre les activités extrémistes” (n° 114-FZ) a été adoptée en 2002, en partie pour répondre aux préoccupations liées au terrorisme. Toutefois, la Russie a modifié cette loi en 2006, 2007 et 2008, de sorte qu’elle va “bien au-delà des craintes d’extrémisme liées au terrorisme”, selon l’article du Moscow Times Russia’s Extremism Law Violates Human Rights (La loi russe sur l’extrémisme viole les droits de l’homme).

La loi “s’empare simplement de la terminologie ‘terroriste’ qui est devenue courante au niveau international depuis l’attaque du 11 septembre contre les tours jumelles de New York, et l’utilise pour décrire des groupes religieux indésirables en Russie“, explique Derek H. Davis, ancien directeur de l’Institut J.M. Dawson d’Études sur l’Église et l’État à la Baylor University. Ainsi, “l’étiquette ‘extrémiste’ a-t-elle été utilisée de manière injuste et disproportionnée contre les Témoins de Jéhovah“.

Au début des années 2000, les autorités russes ont commencé à interdire des dizaines d’ouvrages bibliques des Témoins de Jéhovah en les qualifiant d'”extrémistes”. Les autorités ont ensuite piégé les Témoins en plaçant elles-mêmes de la littérature interdite dans les lieux de culte des Témoins. (Lien 1Lien 2)

Le site web officiel des Témoins, jw.org, a rapidement été interdit et des cargaisons de bibles ont été bloquées. Cette campagne s’est intensifiée jusqu’à l’interdiction nationale des Témoins de Jéhovah en avril 2017. Par la suite, les biens de leur mouvement religieux d’une valeur de dizaines de millions d’Euros ont été confisqués.

Les choses se sont-elles aggravées ?

Oui. Depuis l’interdiction de 2017, la Russie prononce des peines d’emprisonnement extrêmement lourdes. Par exemple, le 29 février 2024, Aleksandr Chagan, 52 ans, a été condamné à huit ans de prison, une peine généralement réservée à ceux qui infligent des lésions corporelles graves. Chagan est le sixième Témoin à recevoir une peine aussi sévère simplement pour avoir pratiqué pacifiquement ses croyances religieuses. Au 1er avril 2024, 128 témoins étaient en prison en Russie.

Nous avons également constaté une recrudescence des perquisitions à domicile.  Par exemple, 183 domiciles de Témoins ont été perquisitionnés en 2023, avec une moyenne de 15 domiciles par mois. Il y a eu une augmentation en février 2024, avec 21 raids recensés.

Généralement, les perquisitions sont menées par des policiers armés en tenue de combat“, explique Jarrod Lopes, porte-parole des Témoins de Jéhovah. “Les Témoins sont souvent tirés du lit, sans être complètement habillés, tandis que les officiers enregistrent tout cela avec arrogance. Les vidéos ** de ces raids ridicules font le tour de l’internet et des médias sociaux. La police locale et les fonctionnaires du FSB veulent en faire un grand show comme s’ils risquaient leur vie en combattant de dangereux extrémistes. Il s’agit d’une mascarade absurde, aux conséquences désastreuses ! Lors des descentes de police ou des interrogatoires, certains Témoins ont été brutalement battus ou torturés. Comme vous pouvez l’imaginer, ces faits ne sont jamais enregistrés. Cependant, les Témoins ne sont ni surpris ni intimidés par la persécution systématique de la Russie. L’histoire de la Russie, de l’Allemagne nazie et d’autres pays montre que la foi des Témoins a toujours survécu au régime persécuteur. Nous nous attendons à ce que l’histoire se répète.”

**voir la séquence sur le site officiel de l’État

Répression soviétique des Témoins de Jéhovah – Opération Nord

Ce mois-ci marque le 73e anniversaire de l'”Opération Nord” – la plus grande déportation massive d’un groupe religieux dans l’histoire de l’URSS – au cours de laquelle des milliers de Témoins de Jéhovah ont été déportés en Sibérie.

En avril 1951, quelque 10 000 Témoins de Jéhovah et leurs enfants, originaires de six républiques soviétiques (Biélorussie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Moldavie et Ukraine), ont été pratiquement kidnappés lorsque les autorités les ont déportés dans des trains bondés vers les paysages gelés et désolés de la Sibérie. Cette déportation massive a été baptisée “Opération Nord”.

En deux jours seulement, les maisons des Témoins de Jéhovah ont été confisquées et les adeptes pacifiques ont été bannis dans des colonies isolées en Sibérie. De nombreux Témoins ont été contraints de travailler dans des conditions dangereuses et difficiles. Ils ont souffert de malnutrition, de maladies et de traumatismes mentaux et émotionnels dus à la séparation d’avec leur famille. La déportation forcée a également entraîné la mort de certains Témoins.

De nombreux Témoins ont finalement été libérés de leur exil en 1965, mais leurs biens confisqués n’ont jamais été restitués.

Malgré la tentative du gouvernement d’éliminer quelque 10 000 Témoins de Jéhovah de la région, « l’Opération Nord n’a pas atteint son objectif », selon le Dr Nicolae Fustei, chercheur scientifique coordonnateur de l’Institut d’Histoire de Moldavie. “

L’organisation des Témoins de Jéhovah n’a pas été détruite, et ses membres n’ont pas cessé de promouvoir leur foi, mais ont plutôt commencé à le faire avec encore plus d’audace.

Après la chute du régime soviétique, le nombre de Témoins de Jéhovah a explosé.

Une croissance exponentielle

En juin 1992, les Témoins ont organisé une convention internationale de grande envergure en Russie, à Saint-Pétersbourg. Environ 29 000 personnes de l’ex-Union soviétique y ont participé, ainsi que des milliers de délégués du monde entier.

La majorité des Témoins déportés dans le cadre de l’”Opération Nord” étaient originaires d’Ukraine – plus de 8 000 dans 370 colonies pénitentières. Pourtant, du 6 au 8 juillet 2018, les Témoins de Jéhovah d’Ukraine ont accueilli des milliers de personnes lors d’un autre grand congrès qui s’est tenu à Lviv, en Ukraine. Plus de 3 300 délégués de neuf pays se sont rendus en Ukraine pour participer au programme, qui avait pour thème “Soyez courageux” ! Aujourd’hui, l’Ukraine compte plus de 109 300 Témoins de Jéhovah.

Pour en savoir plus sur l’étendue de la persécution des Témoins de Jéhovah en Russie, cliquez ici.