FRANCE: Un hiver amer (Bitter Winter) pour la MIVILUDES

La crise profonde de la mission gouvernementale française de lutte contre les sectes a été révélée par la démission de sa cheffe, Hanène Romdhane.

Par Massimo Introvigne

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Le président de la MIVILUDES Christian Gravel colportant les statistiques douteuses de la mission à la télévision. Capture d’écran.

Bitter Winter (27.12.2022) – FRANCE – Au début du mois, les médias français ont rapporté que la cheffe de la MIVILUDES, Hanène Romdhane, une magistrate, a démissionné de son poste – ou peut-être a-t-elle été contrainte de le faire par le président de la mission, Christian Gravel. La MIVILUDES est la Mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, une agence antisectes unique en France qui fait partie du gouvernement lui-même.

Aucun média français n’a vraiment expliqué pourquoi Romdhane a dû partir, mais Bitter Winter a recueilli quelques commentaires de sources bien informées, qui ont parlé sous couvert d’anonymat. Romdhane est magistrate, et aurait été dépêchée par le ministère de la Justice auprès de la MIVILUDES pour donner à la mission un cadre juridique plus clair, afin de lui éviter par la même occasion d’éventuelles responsabilités juridiques. Si tel était le cas, son travail n’a pas été couronné de succès. Le statut juridique des activités de la MIVILUDES reste flou, et ses rapports continuent d’inclure des fake news qui s’apparentent à de la calomnie et exposent la mission à des poursuites pour diffamation. Dans son rapport le plus récent, la MIVILUDES a republié de fausses informations sur les Témoins de Jéhovah en Belgique pour lesquelles son homologue belge le CIAOSN a été reconnu coupable de diffamation par une décision du 16 juin 2022 du tribunal de Bruxelles. Et ce alors que la MIVILUDES et le CIAOSN se réunissent chaque mois pour échanger des informations.

Non seulement la MIVILUDES crée des risques juridiques pour le gouvernement, mais elle envoie également d’autres agences d’État et services de sécurité sur de fausses pistes basées sur des informations non fiables. La MIVILUDES a dû admettre que ses chiffres sur les « sectes » en France sont spéculatifs et ne reposent pas sur des données récentes, et que ses travaux et statistiques proviennent de « saisines », qui ne sont pas des « rapports » sur des actes répréhensibles spécifiques mais comprennent également de simples commentaires et questions d’autres branches de l’administration française et de simples citoyens.

Un autre motif d’insatisfaction, peut-être partagé par Romdhane et mentionné par certains médias français, est que des hommes politiques ont constamment utilisé la MIVILUDES comme un véhicule d’auto-promotion. Avant les dernières élections politiques françaises, c’était la ministre déléguée à la citoyenneté au ministère de l’Intérieur, Marlène Schiappa. Aujourd’hui, c’est la secrétaire d’État à la citoyenneté Sonia Backès, qui raconte une étrange histoire de “survivante” de la Scientology, qui a été contestée par son propre frère dans une interview qu’il a accordée à Bitter Winter. On comprend que le gouvernement soit encore moins heureux lorsque la MIVILUDES est utilisée à des fins politiques par des politiciens de l’opposition comme Georges Fenech, un militant antisecte forcené qui fut le président de la mission jusqu’en 2013 et y est revenu comme membre de son Conseil d’orientation en 2021.

En parlant de Bitter Winter, selon nos sources, un des principaux motifs de mécontentement à l’égard de la MIVILUDES est sa relation avec des organisations privées antisectes comme l’UNADFI française et la fédération européenne FECRIS, dont nous dénonçons systématiquement les méfaits. Après le départ de Romdhane, le président de la MIVILUDES, Gravel, a affirmé que le principal succès de la mission a été d’obtenir un million d’euros du gouvernement et de le distribuer aux associations privées. Cependant, le fait que la MIVILUDES fonctionne comme un guichet automatique pour les associations n’est pas sans poser de problèmes. L’ONG CAP-LC (CAP Liberté de conscience) a dénoncé l’UNADFI à la Cour des comptes française pour qu’elle enquête sur la façon dont elle dépense son argent.

La FECRIS a des problèmes encore plus graves en raison de ses relations avec des organisations et des citoyens russes – tels qu’Alexander Dvorkin, qui siège à son conseil d’administration, Alexander Novopashin et Roman Silantyev, qui a été invité par un affilié de la FECRIS à une conférence en France en juillet 2022 –, qui sont des partisans fanatiques de l’invasion de l’Ukraine par Poutine. La FECRIS a publié un court texte condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a “caché” les affiliés russes de sa liste de membres, et a finalement éliminé complètement la liste de son site web, affirmant qu’elle est “en révision.”

En vain, puisque Novopashin lui-même a révélé le 2 décembre que les organisations russes, Dvorkin et lui-même n’avaient jamais été expulsés de la FECRIS et étaient toujours ses représentants en Russie. Novopashin a également écrit à Bitter Winter pour attirer notre attention sur sa déclaration.

Après que 82 universitaires ukrainiens ont écrit au président Macron pour demander la fin du soutien français à la FECRIS, dont les filiales russes aident efficacement à l’invasion de l’Ukraine en la dépeignant comme un pays dominé par des “sectes”, les relations étroites de la MIVILUDES avec la FECRIS sont devenues un sujet encore plus embarrassant.

C’est en effet un « bitter winter », un « hiver amer » pour la MIVILUDES, et l’agence française ne devrait s’en prendre qu’à elle-même. Des années de calomnies à l’encontre des minorités religieuses, basées sur des coupures de presse et des informations douteuses fournies par les antisectes, ont créé une image internationale de sectarisme et d’intolérance qu’il est désormais impossible de surmonter.